Quand Eole joue à Tatihou
Samedi 24 et dimanche 25 mars 2012
 
Initié par Michel Darnis et organisé par Christian Bécot, voici le week-end « Et vole Eole à Tatihou » dont nous nous souviendrons longtemps, de part son originalité et sa convivialité ! Vendredi 23 mars, nous voici à Saint-Vaast la Hougue (Cotentin), plus précisément à « la Cale » pour embarquer sur le « Tatihou II ». Christian nous a donné rendez-vous à 16h00 pour prendre le bateau … Mais c’est marée basse ! L’île Tatihou, site du Conseil Général de la Manche, est un espace naturel de 28 hectares qui devient presqu'île à marée basse. Voilà bien une drôle d’idée que de prendre le bateau à marée basse !
 

En 1992, l'Ile a ouvert ses portes au public, mais il fallait trouver un moyen d'y amener les visiteurs aussi bien à marée haute qu'à marée basse. Le chantier Proteau a alors conçu un modèle unique, inspiré des chalands conchylicoles de la baie de Cancale. Puis le second amphibie, le « Tatihou II » a vu le jour en 2007. A marée basse, il serpente à travers les parcs à huîtres, sur le Rhun, chemin recouvert à chaque marée.

 
A marée haute, il relie les jetées de Tatihou et de Saint-Vaast en environ 5 minutes. Il peut transporter jusqu’à 58 passagers. Nous sommes beaucoup moins nombreux pour cette traversée mais nous avons beaucoup de matériel … Nous roulons donc vers l’île en traversant les parcs à huîtres. Ils sont implantés sur 250 hectares, c’est le plus ancien bassin ostréicole de la Manche avec une production annuelle d’environ 6 500 tonnes.
 
     
Nous débarquons sur l’île et sommes accueillis par Manuella. Nous déponsons toutes nos affaires dans le premier bâtiment, la Maison des Douaniers (construit en 1805-1806), qui abritera l’atelier de construction de cerfs-volants et de girouettes. Avant de regagner nos chambres, Manuella nous raconte l’histoire de l’île, de la bataille de la Hougue et des jardins. Tatihou tient son nom des Vikings présents sur les côtes de Normandie au IXe siècle.
 
En noroît, « hou » signifie terre entourée d’eau et « tat » était sans doute un nom propre. Manuella : un grand merci pour ton accueil et ta disponibilité.

En quittant la maison des douaniers, nous pénétrons dans l’enceinte intra-muros. Les toits en schiste et les murs en granit des bâtiments, qui constituent l’ancien lazaret, font toute la beauté de l'île. Nous sommes séduits par ce lieu que nous avons la chance de découvrir avec un beau soleil et une température clémente.

Les jardins que nous traversons nous laissent à croire que nous sommes partis beaucoup plus loin, sur une autre île …
     
Répartie dans les anciennes cours du lazaret, une série de massifs et de parterres présentent des espèces exotiques qui se sont bien adaptées à la rigueur du climat marin. Demain, samedi, les premiers visiteurs arriveront par bateau à 14h00, d’autres certainement un peu plus tôt en traversant à pied.
 
     
Nous avons donc tous un peu de temps pour installer l’atelier, les jardins du vent et nous, notre exposition. Nous sortons nos cerfs-volants et volerons jusqu’au dîner. Nous finissons cette soirée dans le « foyer », ancien local des pompes du château d’eau de mer. Samedi matin, quelques cerfs-volistes et jardiniers nous rejoignent.
 
       
Avec Patrick, nous installons notre exposition « cerfs-volants des îles » dans la salle de conférences. C’était le second logement pour les équipages au temps du lazaret. Puis cette pièce est devenue salle à manger pour les chercheurs du Muséum (1887). Les élèves du centre de rééducation (1948) l’utilisaient pour la classe. Aujourd’hui ce bâtiment accueille des conférences et séminaires. Christian nous tisse le plafond avec du fil inox. Nous y accrocherons nos cerfs-volants avec du fil de pèche invisible. En plus de nos panneaux, nous avons fixé sur le mur un grand planisphère pour pointer les différentes îles. Nous passerons en boucle quelques films sur les cerfs-volants en Indonésie.
 
     
L’atelier de construction de cerfs-volants ne désempli pas. Facile à réaliser, décorer et faire voler, le paraluge fera le bonheur des enfants. Autre attraction pour les enfants, le célèbre lâcher de bonbons, assuré par Papy Gérard.
 
     
Pendant ce temps, dehors, s’installent les jardins du vent. Près du jardin des chats d’Emmanuel, l’aquarium de Philippe. Mais ici pêche interdite ! C’est aussi l’occasion de faire une séance KAP (aéro photo par cerfs-volants). Les photos ci-dessous ont été réalisées par Michel Dehaye (sauf celle de droite, vue de l'île, mais d'encore plus haut)
 
     
Nous sommes 27 participants pour fêter les 20 ans de l’île. Petit groupe, mais efficace, qui représente toutes les activités liées au vent et cerf-volant.
     
 
La dernière traversée du « Tatihou II » étant prévu à 17h30, nous profitons de la fin d’après-midi pour visiter un peu plus l’île.
   
Laurent Legrand, du Groupe Ornithologique normand (GONm), accompagne notre groupe pour nous faire découvrir les oiseaux de Tatihou. Les trois hectares aux limites du fort de cette île protégée servent de réserve ornithologique. Sa gestion est confiée au GONm. La mise en réserve d'une partie de l'île dès 1990 fut l'une des priorités.

D'avril à juillet, on peut y voir des oiseaux nicheurs : goélands argentés, bruns et marins, tadornes de Belon… Autour de l'île, cormorans et eiders à duvet sont constamment présents. En été et à l'automne, sternes caugek et pierregarin, labbes pêchent aux abords de l'île. De nombreux limicoles vivent sur l'estran. En hiver, d'autres espèces s'installent : bernaches, grèbes, petits pingouins, pipits maritimes… Laurent nous détaille le vol des pipits, que nous avons la chance d’apercevoir.

L'île est entièrement ceinturée par une digue militaire de style Vauban. Après la bataille de la Hougue (1692) et pour défendre la frontière maritime du royaume contre de nouvelles agressions, les Tours de la Hougue et de Tatihou sont construites par un élève ingénieur de Vauban, Benjamin de Combes. Elles sont classées au patrimoine mondial de l’Unesco le 8 juillet 2008.
 
En 1721, la peste de Marseille incite le Roi à créer un lazaret pour protéger le nord-ouest du Royaume. L'île Tatihou est alors choisie pour effectuer les quarantaines des équipages et des marchandises venant de la Mer du Nord ou de la Méditerranée. Cet ensemble sanitaire fonctionne jusque dans les années 1840. Ci-dessous, au centre, le Fort Vauban.
     
 
La température chute, et Laurent doit repartir avant la nouvelle marée. Nous nous réfugions au chaud dans le foyer. Une belle cheminée nous invite à prendre l’apéritif autour d’un feu de bois (merci à ceux qui y ont pensé). Nous nous sentons vraiment privilégiés.
   
La corne de brume du phare de Saint-Vaast a sonné toute la nuit. Elle signale aux marins la position du port.

Au réveil, dimanche, nous sommes dans un épais brouillard. Une goutte d’air froid vient de s’inviter sur l’île. Elle ne nous quittera pas de la journée. Dommage pour les nombreux touristes qui sont venus sur l’île, les cerfs-volants ne sont plus visibles. Au sol, dans les jardins, les poissons et les chats prennent l’eau. La température a bien baissé.

Nous profitons de l’heure du déjeuner pour visiter le musée (photos ci-dessous).
2 et 3 juin 1692, la bataille de Barfleur-la-Hougue voit s'affronter la France et la coalition anglo-hollandaise. Au terme de la bataille, 12 vaisseaux français sont échoués puis brûlés près de Tatihou et de la Hougue.

Le site des épaves a toujours été connu de manière approximative. C'est en 1987, qu'un plongeur normand effectue des sondages qui en permettent la découverte. De 1991 à 1995 les épaves font l'objet de fouilles. Au total, 120 archéologues seront intervenus pendant 433 jours de chantier sous-marin.

Crée en 1992, le musée maritime de l’Ile Tatihou met en lumière ces fragments de bois et d’histoire. Flottes et fracas, les épaves de la Hougue, 1692 présente plus de 200 objets qui témoignent d’une période charnière de l’histoire maritime du XVIIe siècle.

Ces objets sont les derniers témoins de l'existence des matelots et soldats embarqués à bord des vaisseaux.
     
 
Plus loin, un bâtiment avec une exposition : « Histoires de plaisances - de Honfleur à Granville - 1850 - 1960 », où sont exposés : canot, périssoire, hirondelle et vaurien (photo ci-dessous à gauche). Nos pas et notre curiosité nous mènent vers l'Abri à bateaux où une collection de plus d'une vingtaine d'embarcations y est stockée (photo ci-dessous au centre).
     
Ces bateaux sont représentatifs des activités du littoral bas-normand au cours du 20e siècle, petite pêche, pêche-plaisance ou plaisance de loisir. Le Conseil Général de la Manche a constitué cette collection par le biais d'acquisitions, dons, cessions ou reconstructions.
Nous rangeons notre exposition, d’autres s’affairent à remballer les cerfs-volants, ranger l’atelier. Il est temps de regagner le continent. Nous repartons à marée basse, sur « Tatihou II », en empruntant de nouveau le chemin du Rhun.
     
Un grand merci aux organisateurs. Tout y était pour faire de ce week-end un moment magique ! Tout particulièrement à Christian (certains "gros" festivals pourraient prendre des leçons de logistique !) du Cerf-Volant Club de Cherbroug ... et du CVCF
 

Festrival de Tatihou from ben Fourtanier on Vimeo.

 
Photos : Patrick et Patricia Mouchague - Texte : Patricia Mouchague et Tatihou.manche